Page:Sand - Monsieur Sylvestre.djvu/55

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c’est une habitude qu’ils ont de constater des niaiseries, comme nous constatons des paradoxes dans le prétendu monde de l’esprit. Sottise pour sottise, le lieu commun est encore plus facile à digérer que le sophisme. Il n’abrutit pas. Il ne s’agit que de lui sourire comme on sourit à la bonne figure de son portier. Où les Diamant cessent d’être vulgaires et ennuyeux, c’est quand ils parlent de leur travail, de leur courage, de leur lutte avec la vie. Je me suis fait raconter leur histoire. Ils étaient ouvriers en province. Ils sont venus à Paris avec sept cents francs d’économies. Le mari avait vingt-deux ans, la femme dix-neuf. Ils s’aimaient, ils s’aiment toujours. Il a travaillé dix ans chez les autres, elle faisait un petit commerce pour son compte. À force d’ordre et d’activité, le mari a pu se présenter comme associé là où il n’était qu’ouvrier. Ils ont trouvé de l’aide, de la confiance, des âmes simples et ouvertes, des personnes justes, comme ils disent. Il y a, dans ce monde du petit commerce et de l’industrie privée, des loyautés, des dévouements, un esprit d’association et de confraternité dont nous ne savons rien, nous qui, occupés à trouver l’art de nous passer des autres, ne nous enquérons pas si les autres ont besoin de nous. Où sont les jeunes gens de notre classe qui se cotisent pour qu’un d’entre eux, reconnu honnête et sans ressources, puisse devenir avocat, artiste ou médecin ! Chez les gens dont je te parle, le mérite personnel représente un capital. L’ouvrier fidèle, intelligent et laborieux trouve des mains tendues vers lui, et un certain point d’honneur enflamme en sa faveur ces cerveaux positifs et tendres qui regardent l’assistance mutuelle comme un bon placement, et les services rendus comme une gloire