Page:Sand - Monsieur Sylvestre.djvu/56

La bibliothèque libre.
Aller à la navigation Aller à la recherche
Cette page n’a pas encore été corrigée

acquise. Il y a de l’amour-propre dans tout cela, voire un peu de vanité. M. Diamant aime à dire le bien qu’il a fait, mais il aime aussi à dire le bien qu’on lui a fait, et la vertu des autres, ajoutée à la sienne propre, est un thème où son expansion s’exalte d’une façon risible et touchante. Il a maintenant quelque chose comme deux cent mille francs de fortune. Il aurait le double, si les oiseaux de passage de notre monde n’eussent abusé de sa confiance.

— Il faut savoir perdre, dit-il philosophiquement : les jeunes gens ne calculent pas, et il y a tant de tentations pour eux dans ce Paris ! Quand on en trouve qui sont reconnaissants des ménagements qu’on a eus pour eux, si ça n’enrichit pas, ça console.

Et madame Diamant dit amen en ajoutant :

— Pourvu que nous ayons de quoi donner de l’instruction à nos enfants, ça suffit. Si nous avons eu de la peine, c’est parce qu’on ne nous avait rien appris. Ils ne connaîtront pas ça, Dieu merci, eux autres !

Braves gens qui croient que quand on est instruit, on est sauvé !

Je les ai quittés pour passer une heure à l’Opéra, où j’ai encore mes entrées. Me les ôtera-t-on le jour où l’on saura que j’en ai réellement besoin ? C’est probable.

Comme j’ai encore une mise décente, j’ai pu circuler comme d’habitude. Mademoiselle Irène et sa fille Jeanne, la belle rousse, étaient dans leur loge. J’ai été curieux de regarder avec attention cette héritière de tant d’hommes qui ont contribué à l’enrichir, et dont le père est inconnu. Je n’avais fait que l’entrevoir. Je me suis placé de manière à l’examiner sans qu’elle put s’en douter. Elle est réellement belle, blanche et rosée