Page:Sand - Monsieur Sylvestre.djvu/61

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sante ; mais, en montant l’escalier d’une de ces grandes vieilles maisons qui se ressemblent toutes, je sentis le froid me prendre aux épaules.

— Mon oncle, m’écriai-je tragiquement au moment où il allait sonner au premier, est-ce que vous avez demandé pour moi cette demoiselle en mariage ?

— Non, répondit mon oncle, dont j’avais saisi le bras avec angoisse ; c’est son père qui me l’a offerte pour toi… Laisse-moi donc sonner !

— Il faut que vous me juriez que cette visite ne m’engage à rien !

— Parbleu ! je ne veux pas te marier malgré toi !

— Est-elle bien belle ?

— Non ; tu vas la voir.

— Mais pourquoi veut-on me la donner, à moi qui n’ai rien ?

— D’abord tu n’as pas rien ; tu auras ma fortune, si tu te laisses diriger par moi. Ensuite… je peux te dire que M. Aubry sort d’une famille de petites gens ; il tient à un nom, et tu sais que tu es noble par ta mère.

— Mais je porte le nom de mon père, et ne veux pas le quitter.

— Tu ne le quitteras pas ; tu t’appelleras Sorède de Pontgrenet. Ah çà ! en voilà assez, tu m’ennuies !

Et il sonna.

Un grand noir, bizarrement vêtu de rouge, nous fit traverser deux vastes pièces, très-élevées et très-sombres, bourrées jusqu’au faite d’objets sans nom, depuis de vieux tableaux espagnols jusqu’à des mocassins de sauvage. Ce fut bien pis dans le salon. Les meubles et les murs étaient surchargés de poteries, de queues d’oiseau, de reliquaires, d’armes, de miroirs, d’instru-