Page:Sand - Monsieur Sylvestre.djvu/62

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ments de musique, de reptiles empaillés, de coquillages, de cadavres et de guenilles de tous les pays. Il y avait, au milieu de tout cela, des choses superbes et des objets rares, d’un grand prix ; mais, dans l’étalage de toutes ces merveilles et de toutes ces misères, on sentait le brocanteur et nullement l’artiste ou l’amateur éclairé.

— Nous sommes chez un marchand de bric-à-brac ? m’écriai-je.

Mon oncle me lança un regard terrible, et M. Célestin Aubry parut.

C’était un grand diable du type le plus vulgaire, bien que son teint bronzé par le soleil des tropiques et l’arrangement de sa chemise, de ses favoris et de sa chevelure eussent l’intention de lui donner l’aspect d’un officier de marine. Il n’eut pas dit trois mots, que le flibustier de bas étage se révéla clairement, en dépit de ses prétentions au savoir et aux grandes manières. Il nous montra les principales pièces de sa collection avec des explications assez curieuses, mais qui sentaient à plein nez le pillage ou l’escroquerie. Il vanta ensuite ses millions, ses perroquets, ses nègres, ses enfants et ses meubles. Il appela ses noirs, en leur parlant comme à des chiens, pour nous montrer comme ils étaient de belle race. Il les avait achetés fort cher. Il savait bien qu’ils étaient libres sur la terre de France, mais il les retenait par la crainte et par la bonne nourriture. D’ailleurs, il savait former ces gens-là, et, pour nous le prouver, il en prit un par l’oreille et la lui tira jusqu’au sang, en nous faisant remarquer que ce malheureux ne cessait pas de rire pour lui faire croire qu’il ne sentait rien.

— Je sais bien, ajouta-t-il judicieusement, que je