Page:Sand - Monsieur Sylvestre.djvu/72

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L’escalier de pierres est extérieur et nullement abrité : un petit carré de légumes entouré d’une palissade rustique, une source à deux pas de là sur le chemin, voilà tout le bien-être de mon pauvre vis-à-vis. Des fenêtres du premier, fermées de petits rideaux très-blancs, la vue doit être jolie : c’est la même que la mienne, à revers. On doit voir en plein ma fenêtre. Le rez-de-chaussée m’a paru être une cuisine ; quelques poules picoraient au bas de l’escalier, dont les plus hautes marches et le petit palier étaient fraîchement balayées : mais je n’ai pas vu l’ombre d’un seul habitant, et, bien que j’aie marché lentement, je n’ai pas entendu le moindre souffle humain sortir de cette demeure indigente et propre, une pauvreté qui se respecte probablement et que je n’avais pas le droit de commenter. Un paysan qui émondait des arbres à peu de distance eût pu sans doute me renseigner ; mais je me suis interdit les questions afin de n’être pas questionné à mon tour. Pourtant je n’ai pu me défendre d’en adresser une très-saugrenue à mon vieux monsieur, le pêcheur à la ligne, que j’ai rencontré comme je traversais le hameau des Grez.

L’indigence de mon vis-à-vis m’avait reporté à l’objet de mon travail, et je me rappelai, en voyant l’heureuse figure du vieillard, que ce pouvait bien être son nid dont, un quart d’heure auparavant, je venais d’interroger la physionomie. Comme il se disposait de loin à me saluer avec un redoublement de bienveillance, je me promis de lui adresser la parole : mais comprends-tu ma préoccupation ? Au lieu de trouver une phrase quelconque de provocation polie, je ne sus lui dire autre chose que ce qui remplissait ma pensée, et je lui adressai cette question de fou :