Page:Sand - Monsieur Sylvestre.djvu/77

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Il y a là une nature distinguée, charmante peut-être, mais étouffée par la laideur accidentelle et la pauvreté. Qu’elle n’en rougisse pas, qu’elle ne se cache plus ! Je n’aurai ni curiosité indiscrète, ni dédain de jeune homme. Je la saluerai sans la regarder.

Mais vit-elle seule dans cette maison seule ? J’aurais pu le savoir ; mais pourquoi le saurais-je, si ne pas le savoir m’intrigue et m’amuse ?

Quelque chose de plus intéressant et d’aussi mystérieux, c’est M. Sylvestre, tel est le nom de mon pêcheur à la ligne, ou du moins le nom qu’il se donne. Exact au rendez-vous qu’il m’avait assigné, je me dirigeais vers les Grez, quand j’ai rencontré un artisan de Vaubuisson avec qui j’avais fait connaissance en mangeant à l’auberge, et qui m’a demandé si j’allais chez l’ermite. Je n’ai pas été trop surpris de la question, la mère Agathe m’avait déjà parlé d’un ermite comme de la principale curiosité du pays. Comme je craignais de faire attendre M. Sylvestre, je ne me suis pas arrêté à demander des renseignements à mon artisan, me promettant d’ailleurs d’en avoir par M. Sylvestre lui-même.

Le hameau des Grez marque la limite de l’embranchement de mon étroit vallon avec une vallée plus ouverte, plus riche, plus riante, mais d’un caractère moins agreste et moins intime. J’ai rencontré M. Sylvestre à l’entrée du village, et il m’a fait tourner tout de suite le dos à cette vallée. Nous sommes entrés dans les bois de la colline par un sentier très-rapide. Le bonhomme marche comme un Basque et n’a rien à envier à mes jambes. L’habitude lui a même donné plus de souffle que je n’en ai, car il est arrivé, sans cesser de parler, à la porte de son manoir. Ce manoir