avait mise en réserve pour les besoins de l’aventure. Flavien n’y prit pas garde.
Éveline aussi avait ouvert l’oreille, et, comme elle ne s’obstinait pas, ainsi que Nathalie, à tenir les yeux baissés sur un journal, elle vit l’espèce de trouble enjoué et animé de Flavien, l’espèce de satisfaction tout à coup embarrassée d’Olympe. Un regard un peu trop hardi de ce dernier avait intimidé la jeune femme au milieu de sa candeur, et, chose étrange, Éveline, cette fille de dix-huit ans, ne comprenait pas la timidité. Elle pensa donc que Nathalie avait bien deviné et qu’une affaire de cœur ou de coquetterie s’engageait entre l’excellent voisin et sa belle-mère.
Elle s’approcha de lui pour essayer l’effet d’une bordée au hasard.
— M. de Saulges n’est ni romanesque ni curieux, je le vois, dit-elle. On lui parle d’esprits, on lui apprend que son château est hanté, et il n’y fait pas la moindre attention.
— Est-ce que tous les châteaux ne sont pas hantés ? répondit Flavien. Tous ceux que j’ai habités ont leur légende. Le vôtre n’aurait-il pas la sienne ?
— Oh ! il n’y a de spectres que dans les châteaux abandonnés, ou dans ceux qui sont encore habités par des nobles, dit Dutertre. La bourgeoisie réaliste a mis à la porte de chez elle le monde des rêves, et c’est grand dommage, convenez-en, mesdemoiselles !
— Mais vous ne nous dites pas, s’écria Thierray, la nature des apparitions de Mont-Revêche ! Cela m’intéresse, moi ! Libre à M. de Saulges d’être blasé sur les légendes, puisqu’il en a autant que de châteaux à son service ; mais, moi qui ne possède pas le plus petit fragment de mâchicoulis, je serais fort curieux de savoir