Page:Sand - Mont-Reveche.djvu/121

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— Eh ! la dame au loup !

— Oui, monsieur, répondit le bonhomme avec une grande assurance, et en faisant le signe de la croix. Puisqu’il vous plaît d’en parler et de la nommer, je ne suis pas un enfant pour en avoir peur. Je suis bon chrétien, Dieu merci ! et je sais des prières pour l’éloigner. Mais traitez-moi de fou et d’imbécile, si vous voulez, je l’ai vue comme je vous vois, et justement là, à la place où vous êtes. Il n’y avait pas à discuter devant une conviction si nettement posée. Aussi, ni Flavien ni Thierray n’y songèrent, et, plus curieux qu’épilogueurs, ils le pressèrent de questions.

— Il est aisé de vous contenter, messieurs ; car cela n’est pas un conte, c’est une histoire… La dame Hélyette de Mont-Revêche est morte ici en l’an 1665, et vous verrez son portrait dans le grenier quand vous voudrez. Eh bien, le costume qu’elle a dans son portrait, elle le porte encore ; et le masque que vous verrez sur sa figure, elle ne le quitte pas pour se promener dans les bois. Mais, quand il lui prend fantaisie d’entrer dans le château, elle l’ôte, et c’est alors qu’elle est nuisible.

— L’a-t-elle ôté devant vous ? dit Thierray.

— Non, monsieur, elle n’en a pas eu le temps ; je l’ai exorcisée, et elle s’est dissipée en brouillard.

— Ainsi vous ne connaissez pas son visage ?

— Non, Dieu merci !

— Mais vous ne nous avez pas dit son histoire. Gervais frémit ; mais, se remettant aussitôt s

— Je suis un vieux soldat, dit-il, et je n’étais pas plus poltron qu’un autre devant les Croates, qui m’ont fendu le cerveau à coups de sabre au passage du Mincio. Je peux donc me moquer d’une mauvaise âme en peine. Voilà l’histoire, messieurs ; elle n’est pas longue, mais elle est vraie.