— Me demandes-tu cela sérieusement ?
— Je ne te le demande pas, je te l’affirme.
— Flavien !…
— Thierray !
— Est-ce que tu crois possible que je sois amoureux, après tout ce que je t’ai dit ?
— Oui.
— Je me serais donc trompé sur moi-même jusqu’à présent ?
— Non, tu t’es menti à toi-même.
— Oh ! oh !
— Oui, mon cher, j’ai des raisons pour brusquer tes détours d’esprit et tes mignardises de moquerie.
— Ah ! voyons ! quelles raisons ?
— Une seule suffira, et c’est la meilleure : j’ai de l’estime, j’ai de l’amitié pour toi.
— Voici la première fois de ta vie que tu me dis cette bonne parole, et nous nous connaissons depuis trente ans !
— Oui ; mais il y a trente ans que tu sais que je t’aime, et il est même fort inutile que je te le dise aujourd’hui.
— Pardonne-moi, Flavien, dit Thierray en lui tendant les mains avec effusion ; mais je ne l’avais jamais cru.
— Vraiment ? dit Flavien étonné. C’est mal, cela !
Et il hésita à lui prendre les mains ; mais il fit réflexion, et, les lui serrant :
— Oui, tu es méfiant, dit-il, c’est-à-dire malheureux, je dois te pardonner.
— Que veux-tu ! j’étais le fils de ton avoué. C’était si peu de chose que le fils d’un procureur de province dans les idées de ta noble famille ! Nous avons fait ensemble nos premières études, mais il y avait aussi une distance