Page:Sand - Mont-Reveche.djvu/133

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mais pas comme tu crois. J’en suis amoureux, je la désire passionnément ; mais…

— Mais quoi ?

— Mais elle est coquette, et je la crains.

— C’est une coquetterie innocente.

— Qui peut devenir terrible, odieuse par conséquent à mes yeux, après m’avoir semblé charmante.

— Cependant cette fille est bonne au fond du cœur.

— C’est vrai ! je vois que tu l’as observée mieux que je ne pensais. Mais j’ai peur d’elle. Que veux-tu que je te dise ! Elle est blonde… blonde comme madame Hélyette !

Et Thierray, qui s’était retourné vers le portrait, tressaillit involontairement.

— Allons, poëte ! allons, rêveur ! dit Flavien en riant, ne vas-tu pas imaginer une ressemblance sous ce masque ?

— La femme coquette est un éternel personnage de bal masqué, reprit Thierray. Tiens, ami, ne m’interroge pas trop, je ne sais encore où j’en suis. Dans huit jours, j’en serai peut-être fort dégoûté ; je le suis à chaque instant, mais elle me reprend. Rendre et reprendre, c’est la devise et la science de cette amazone consommée ; mais, moi qui suis un cheval assez quinteux, je prendrai peut-être le mors aux dents. Ne faisons donc pas de projets. Laisse-moi m’oublier un peu dans ce jeu délicat, excitant et nerveux, qu’une jeune fille charmante livre à mon imagination. Ne me rappelle pas qu’elle est riche, et que tout cela pourrait bien finir par un notaire et un adjoint. À ce tableau, ma flamme pâlit, et je pense à M. Tranchelion, qui ne fut peut-être pas plus empoisonné que nous ne le sommes, mais qui fut probablement haï, méprisé et trompé par cette blonde masquée.

— Je ne te dirai plus que quelques mots, répondit Flavien. Dutertre est riche, mais vraiment grand. Il veut