Page:Sand - Mont-Reveche.djvu/136

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de cette réponse. Il y a entre ton cœur et le mien quelque chose d’impossible ! Amédée, j’ai donc quelque tort envers toi ? j’ai donc mérité de perdre ton affection ?

— Ah ! je m’attendais à cette épreuve ; mais elle est terrible ! s’écria le jeune homme avec une profonde émotion. Tenez, mon oncle, épargnez-la-moi ! Je vous aime plus que la vie ; je serais le dernier des ingrats ou des égoïstes, si je vous préférais quelque chose ou quelqu’un sur la terre. Vous êtes mon premier amour, ma première vénération, mon premier devoir ; vous êtes le seul cri de mon âme, le seul but de ma vie. Le mal que je ressens ne me vient pas de vous. S’il me venait de vous, je ne le sentirais pas, ou je le bénirais !

— Eh bien, quoi ? dit Dutertre. Il faut donc que je devine ? Éveline est coquette, et, pour le moment, tu es jaloux de M. Thierray.

— De M. Thierray ? Je n’y ai pas songé, mon oncle. J’ignore si Éveline est coquette. Il me semble qu’elle a le droit d’être tout ce qu’elle veut être. Je ne suis pas amoureux d’Éveline.

— Regarde-moi en face pour me dire cela, dit Dutertre en souriant. Tu n’es pas, tu n’as jamais été amoureux d’Éveline ?

— Pas plus que si elle était ma sœur, Regardez-moi bien, mon oncle : vous verrez que je ne vous trompe pas.

— Ah çà !… reprit Dutertre fort étonné, la délicatesse, la vertu, ont-elles sur toi assez d’empire pour étouffer l’amour dès son premier germe ? Dis-moi donc, Amédée, est-ce que tu t’es jamais persuadé qu’il fallait être riche pour devenir mon gendre ?

— Jamais ! Je vous connais trop bien pour cela. Je sais que, si nous nous aimions, Éveline et moi… Mais nous