Page:Sand - Mont-Reveche.djvu/142

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sure que son inquiétude se dissipait. Amédée n’avait point paru surpris du cri qu’ils avaient entendu. Il s’était efforcé de retenir son oncle, au lieu de partager son empressement à porter secours à Olympe. Cela était inexplicable.

— Mon ami, dit Dutertre en retenant son neveu dans le boudoir et en lui parlant à voix basse, bien qu’ils ne pussent être entendus de personne, il y a quelque chose d’extraordinaire dans le sommeil de ta tante. On ne crie pas ainsi sans faire un rêve affreux, et on n’a pas de tels rêves sans en garder le souvenir au réveil. Tu as eu l’air de savoir ce que cela signifiait, tout à l’heure. La pensée ne t’est pas venue comme à moi qu’un voleur entrait chez ma femme ou que le feu prenait à ses rideaux. Tu étais triste, mais pas étonné le moins de monde. Il y a là quelque chose d’incompréhensible. Il faut me le dire.

— Oui, il faut vous le dire, je le sens, répondit Amédée avec effort ; mais, si je vous le dis, vous souffrirez beaucoup, et ma tante me fera des reproches qui me déchireront le cœur, la conscience, peut-être !

— Amédée, dit vivement Dutertre, il faut parler ! As-tu fait serment d’avoir un secret pour moi ? Je t’en dégage. Je suis tout ici, le père, l’ami, le maître des cœurs et des consciences, parce que je suis l’esclave dévoué au bonheur de chacun de vous. Parle vite, je le veux !

Dutertre exerçait, en effet, sur une partie de sa famille un ascendant illimité. Cet homme, la douceur, la tendresse, la débonnaireté mêmes, était né pour régner sur les âmes aimantes par la seule puissance de l’amour. Tout son secret pour l’inspirer était de le ressentir lui-même avec ardeur, et, dans les choses du cœur, il avait, avec les cœurs ardents comme le sien, une décision, une volonté, un magnétisme, si l’on peut dire ainsi, qui le rendaient