Page:Sand - Mont-Reveche.djvu/157

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par son amour pour Olympe, ou trop porté à l’extrême indulgence dans ses relations domestiques, n’avait pas coutume de surveiller l’attitude de ses filles avec rigidité, il se sentit disposé, ce jour-là, à tout voir, à tout peser, à tout juger, non plus à travers le prisme de ses douces illusions paternelles, mais à travers la notion plus lucide et moins riante de ses devoirs.

Il écouta sans paraître écouter ; il regarda sans paraître regarder. Il entendit Éveline redoubler de hardiesse dans ses attaques insensées ; il la vit suivre et guetter Thierray comme une proie qui lui résistait du bec et de l’ongle. Il en fut affligé et humilié, et, au moment où Éveline montait à sa chambre pour faire l’éblouissante toilette quotidienne du dîner, il lui prit le bras et la suivit, résolu d’avoir avec elle une sérieuse explication pour la première fois de sa vie.




XIII


Il est des situations fatales où, longtemps arrêté sans méfiance au bord d’un précipice, on met enfin le pied sur un sable fin qui semblait n’attendre que l’occasion de s’écrouler et devons entraîner dans sa chute ; des jours malheureux où, en croyant tout réparer, tout étayer autour de soi, on fait tout écrouler sur sa tête. Dutertre était dans un de ces jours néfastes et sur une de ces pentes irrésistibles ; au premier effort qu’il allait tenter pour tout sauver, il allait tout voir se dissoudre autour de lui.

Éveline, étonnée de l’air solennel de son père, et préoccupée des impertinences froides de Thierray (elle n’avait pas eu le dernier, comme on dit aux petits jeux), se sen-