Page:Sand - Mont-Reveche.djvu/167

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ceptible… Tenez, elle en souffre beaucoup, et elle croit que vous ne voulez plus rien faire pour la calmer et la consoler ; mais elle se trompe, n’est-ce pas, mon père ? vous nous aimez toujours, et personne ne nous enlèvera votre amour et votre protection ?

— Nathalie, dit Dutertre, pâle et le cœur serré, je ne te comprends pas !

— Pardon, mon père, vous me comprenez. Nous ne sommes pas aimées de tout le monde ici ! C’est bien naturel, nous ne saurions nous en plaindre. Mais songez que nous ne sommes pas bien coupables d’avoir les défauts de notre âge et de notre isolement. Nous manquons de frein habituel, et il en faut peut-être un à la jeunesse ; mais il le faut légitime, et une belle-mère n’est pour nous qu’une étrangère dont nous n’avons pas voulu subir la contrainte. Nous n’avons pas eu souvent le bonheur de vivre sous vos yeux, et quelque bien élevée, quelque convenable que soit madame Olympe à notre égard, son âge ne comporte pas l’autorité. Passez-nous donc nos travers, ayez patience avec nous, puisque nous avons si peu de temps dans l’année pour jouir de votre présence, et songez qu’il nous faut quelque courage, à nous aussi, pour accepter notre situation.

— De quoi donc vous plaignez-vous, mes filles ? dit Dutertre avec une force douloureuse. Où sont les souffrances, les malheurs de votre destinée ? Êtes-vous opprimées, persécutées par ma femme ? Dites, dites ! Si vous avez des sujets de plainte, je les écouterai, ici, tout de suite ; je les vérifierai, et je vous ferai justice dans le secret d’un tribunal de famille. Mais je ne veux plus d’insinuations, plus de réticences ; elles me tuent ! Parlez, mais parlez sans détour, vite, et avec le courage de la franchise.