Page:Sand - Mont-Reveche.djvu/170

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t’en, grande niaise ! Que viens-tu faire ici ? On dîne sans toi, et je parie qu’on te fait chercher partout !

— Oh ! que non pas, dit Caroline. J’ai bien le temps de dîner ! J’ai demandé à notre mère la permission de venir t’habiller, et me voilà.

— Notre mère ! dit Éveline avec amertume.

Caroline, qui en comprenait peut-être plus qu’elle ne voulait le laisser croire, et qui avait l’admirable bon sens de repousser toutes les explications dangereuses ou pénibles, ne parut pas entendre cette exclamation, et, sans rien dire, commença à relever d’une main adroite et légère les beaux cheveux d’Éveline, après avoir renvoyé la femme de chambre curieuse qui se présentait pour remplir cet office, et Grondette, qui venait s’inquiéter de la migraine de sa diablesse ; c’est ainsi que la vieille villageoise appelait familièrement Éveline qu’elle avait nourrie.

Éveline, nonchalante et préoccupée, se laissa coiffer et habiller par sa jeune sœur, qui, toujours babillant, se répondant à elle-même quand Éveline ne daignait pas lui répondre, et disant des riens comme un oiseau qui gazouille, réussit à endormir son dépit et à la ramener à l’admiration d’elle-même.

— À présent, lui dit-elle après l’avoir menée devant son miroir, où Éveline donna machinalement le point lumineux à son image, en attachant certain bijou et en rajustant certain nœud, nous allons respirer un peu notre flacon, et puis nous allons sourire, embrasser cette sotte de Benjamine et descendre au dessert. C’est encore un beau moment pour faire une entrée ! Tout le monde est gai, papa cause, maman sourit. Éveline paraît, on lui demande de ses nouvelles. Elle donne un bon baiser à maman, et puis à papa ; elle dit qu’elle est mieux, elle va