Page:Sand - Mont-Reveche.djvu/177

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— Eh bien, dit Dutertre, qui marchait gravement dans le salon, Nathalie, Éveline, nous avons à causer. Vous avez des griefs contre moi, contre celle que je vous ai donnée pour mère et pour amie. Vous vous trouvez assujetties, mortifiées, blessées. Parlez, je vous écoute, mes enfants.

Éveline était incapable de rancune.

— Non, mon père, répondit-elle avec franchise. Quant à moi, cela n’est pas. Je ne pourrais me plaindre que d’une chose, si j’étais assez raisonnable pour m’apercevoir que je manque de raison.

— Et cette chose ? dit Dutertre.

— C’est d’avoir été trop peu morigénée ; c’est d’avoir eu un père trop confiant dans mes bons instincts, une belle-mère trop douce, trop esclave de mes caprices, trop craintive devant mes bourrasques, trop discrète ou trop délicate dans ses observations. Elle est trop jeune et elle n’est pas ma mère, voilà tout son crime ; et, comme elle n’y peut rien, ni moi non plus, nous serions folles de creuser les inconvénients de cette situation respective, de nous en affecter, et surtout de nous les reprocher l’une à l’autre. J’ai mille défauts qu’une mère rigide ou le couvent eussent peut-être corrigés. Vous m’avez retirée du couvent, que je détestais, et vous m’avez donné une mère trop faible, je devrais peut-être dire trop bonne !… Oui, Olympe est bonne, excellente, aimable au possible, ajouta Éveline en regardant Nathalie avec résolution, et c’est un mauvais service à me rendre que de me donner raison contre elle quand j’ai tort. Que pouvait-elle pour me contenir et me corriger ? Il eût fallu une volonté de fer, qui se serait probablement brisée contre la mienne ; car j’étais disposée à ne supporter aucune autorité. Et qui sait si j’aurais cédé à celle de ma propre mère ? J’ai ré-