Page:Sand - Mont-Reveche.djvu/186

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(et Nathalie surtout) ne seront pas mariées, vous l’avez dit, la solution ne peut être que provisoire.

— Mais elles ne peuvent tarder à se marier ; ne le penses-tu pas ?

— Elles tarderont peut-être plus que vous ne pensez. Éveline sera hésitante et capricieuse. Quant à Nathalie, qui est encore plus difficile à satisfaire dans son orgueil, elle ne s’avise pas d’un obstacle : c’est qu’elle inspire de l’éloignement au peu de personnes pour qui elle n’en éprouverait pas.

— Oui, dit Dutertre accablé ; n’aimant pas, elle ne se fait point aimer : c’est tout simple. Ah ! malheureux que je suis ! me voilà donc réduit à désirer que l’on me débarrasse de mes enfants !

— Non, non, vous ne le désirez pas, dit Amédée avec une généreuse énergie. Vous les sauverez vous-même. Voyons, quels seraient vos projets ?

— Renoncer à la carrière politique que je me suis laissé imposer, contrairement à mes goûts, par les suffrages de cette province ; rentrer dans la vie de famille, veiller sur mon intérieur, ne plus quitter ma femme d’un instant, tenir en bride ces appétits désordonnés de commandement ou d’indépendance qui ont trop grandi chez mes filles en mon absence.

— La lutte sera terrible, funeste peut-être. Et puis résolvez-vous ainsi cette grave question du devoir politique ? Pouvons-nous le sacrifier au devoir domestique ? Le sentiment du bien général ne doit-il pas l’emporter sur celui du bonheur individuel ?

— Il ne s’agit pas de mon bonheur à moi ! s’écria Dutertre ; il s’agit de la vie de ma femme et de la conscience de mes filles, qui s’égare faute de guide et de frein. D’ailleurs, le bien qu’on peut faire par la politique dans