Page:Sand - Mont-Reveche.djvu/190

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— Je ferai venir du Poitou ma sœur aînée, qui sera fort aise de voir Paris et qui demeurera avec nous. Ce sera un chaperon pour Nathalie ; elle est douce, bonne, et ne manque pas de jugement.

— Mademoiselle Élise Dutertre est une personne excellente, dit Amédée ; mais justement Nathalie la déteste.

— Quoi ! elle aussi, la pauvre vieille fille sans prétention et sans succès, même dans le passé ?

— Elle se permet, quand elle vient ici, de trouver vos filles un peu trop gâtées, et cela exaspère Nathalie.

— Ainsi, elle va haïr et tourmenter ma pauvre sœur comme elle fait de ma femme ? Eh bien, n’importe. Élise est calme, ferme, et lui tiendra tête. Elle s’en ira peut-être ; mais nous aurons gagné du temps. Sois certain que ce séjour de Paris ne réalisera pas les rêves de gloire et d’éclat de Nathalie. Telle n’est pas mon intention. Elle n’aura pas de salon, elle vivra retirée, malgré qu’elle en ait. Je n’aime pas le monde, moi, et je n’ai jamais compris une vie employée à la conversation banale. D’ailleurs, sache une chose qu’il est temps que je te dise : ma fortune, splendide parce que l’ordre y règne à côté de la libéralité, n’est cependant pas plus assurée qu’aucune fortune de ce monde. Je me suis engagé, il y a longues années, pour un ami bien cher qui avait perdu la sienne et qui l’a refaite grâce à moi. Mais il est mort en Amérique sans régulariser sa position envers moi et sans dégager ma signature. C’est le digne Murray, mon cousin par alliance, qui t’envoyait autrefois de si beaux papillons du Mexique et du Brésil. Si les associés qui lui succèdent sont ineptes ou de mauvaise foi, cette terrible signature, dont je demande en vain le retrait, peut me forcer à vendre une partie de mes immeubles ou à trouver des sommes considérables que je n’ai pas. Je puis donc être,