Page:Sand - Mont-Reveche.djvu/203

La bibliothèque libre.
Cette page n’a pas encore été corrigée

Olympe, quelque chose de craintif qui m’enivre, parce que ce n’est ni gaucherie ni timidité. Elle a, au contraire, beaucoup d’usage et tout l’aplomb des convenances. Mais l’âme est effrayée, frémissante ; l’œil est d’une colombe qui redoute toujours le vautour. Aussi cet œil chaste vous caresse-t-il malgré lui, et il semble que cette modeste et peut-être froide créature va se faire toute petite et se jeter dans votre sein, non pour se faire aimer peut-être, mais pour se faire défendre ou cacher.

» Je me sentis fort troublé de ce genre de coquetterie involontaire, tout nouveau pour moi, je l’avoue. Cette femme qui me disait : « Prenez garde à moi, je suis peut-être dangereuse et hardie, » de l’air dont elle m’eût dit : « Ne me tuez pas, je suis bien inoffensive et bien poltronne, » s’empara de mon âme ou de mes sens (je n’ai jamais su faire certaines distinctions) d’une manière irrésistible. J’eus un éblouissement plus prononcé que celui de la veille ; je crois que je la pressai presque dans mes bras, que j’étais absurde, qu’elle était pétrifiée d’étonnement, qu’elle me croyait fou, et qu’elle ne se donnait plus la peine de m’écouter, mais qu’elle regardait autour d’elle comme pour voir si son domestique n’était pas à portée de me tenir en respect.

» Il arrivait au lieu où nous étions arrêtés. Je sautai à terre, je remontai à cheval et je m’éloignai fort mécontent de ma sottise, et ne concevant pas que j’eusse été assez brutal et assez mal appris pour effrayer une pauvre honnête femme qui ne songeait qu’à couvrir la pudeur de ses sottes belles-filles du manteau de sa candide générosité.

» Mais que veux-tu que je te dise ? À la honte et au repentir succéda un transport d’imagination dont je ne pus de longtemps me rendre maître. Je m’éloignai dans