Page:Sand - Mont-Reveche.djvu/216

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— Il n’est pas donné à tout le monde d’être Crésus, répondit Thierray en riant. Allons, détale, fais ma commission ; et, si elle est bien faite, lundi je te comble de mes bienfaits. En route !

Crésus tourna lestement les talons. Thierray le rappela.

— Sous quel prétexte es-tu venu ce matin ? lui dit-il.

— Sous quel quoi ? dit Crésus, que le mot de prétexte intrigua visiblement.

Thierray s’expliqua mieux, et le groom répondit :

— Pardié ! monsieur, j’ai fait semblant d’avoir oublié ici, l’autre jour, le licol de mon cheval.

— Comme tu avais fait semblant, l’autre jour, d’avoir oublié quelque chose aujourd’hui ? Allons, va au diable. Je te permets de venir m’espionner. Mais prends garde à une chose. Le jour où cela m’ennuiera, regarde bien ! je ferai comme cela.

Et Thierray fit une grimace terrible.

— Ça voudra dire… ? répondit le groom avec un geste expressif du pied et de la main.

— Précisément, jeune homme plein d’avenir que vous êtes, et je rosse bien. Prenez-y garde.

— On s’en souviendra, dit Crésus, et il disparut.

Thierray se remit à son bureau et écrivit ce billet :

« Vivent les femmes, mon ami ! nous ne serons jamais que des créjusses auprès d’elles. Le bouquet d’azalée que tu as probablement mis sous verre est une attention d’Éveline Dutertre à ton adresse. Changeons ! adresse-lui tes vœux, et permets-moi d’adresser les miens à Olympe, qui, pour le moment, court les grandes routes avec son jeune neveu, pour se consoler de ton absence. »

Thierray, plein de dédain pour les dames de Puy-Verdon et pour toutes les femmes en général, se trouva disposé à faire les vers qu’il avait promis à Nathalie. Il lui