Page:Sand - Mont-Reveche.djvu/227

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vôtre en vous montrant mon visage. À présent, tout est dit ; bonsoir. Ouvrez-moi les portes.

— Vous croyez, dit Thierray, que je vais vous laisser passer la nuit dehors, à la belle étoile ?

— Vous parlez d’étoiles ? C’est une métaphore ! dit-elle en riant : il pleut à verse !

En effet, on entendait les gouttières s’épancher à flots sur les pavés de la cour.

— Vous voyez donc bien, dit Thierray, que vous êtes forcée d’attendre ici que le départ soit possible, que la nuit touche à sa fin. Ce ne sera pas avant trois heures d’ici, je vous en avertis. Vous voilà forcée d’avaler la coupe d’imprudence et de danger que vous avez remplie. Je vous déclare que ce n’est pas ma faute. Si on vient à le savoir, je me battrai pour vous ; mais je jurerai sur l’honneur à votre père que je ne sais pas du tout pourquoi vous m’avez mis dans cette agréable situation.

Et, en parlant ainsi, Thierray alla fermer aux verrous la porte du salon.

— Que faites-vous donc là ? dit Éveline déconcertée.

— Je ne veux pas vous exposer à être surprise par ceux de mes domestiques qui ne sont pas, dans votre confidence, et, si vos parents, s’apercevant de votre absence, s’avisaient de venir vous chercher ici, je veux pouvoir parlementer avec eux avant de vous livrer à leur juste indignation.

Éveline devint pâle, et la peur s’empara d’elle sérieusement.

— Mais non, mais non ! s’écria-t-elle. Il faudrait me cacher !

— Non pas. Je sortirais, j’irais au-devant d’eux, et vous ne reparaîtriez à leurs yeux que couverte de ma protection et portant le titre de ma fiancée.