Page:Sand - Mont-Reveche.djvu/248

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Le jour où je m’en justifierai, l’on me haïra sérieusement, et je serai victime d’un hasard fatal que l’on m’imputera à trahison.

Dutertre crut sérieusement à une sorte de trahison de la part de Thierray.

— Je crois deviner, dit-il, et, si je devine juste, vous avez agi sagement et généreusement en refusant à votre sœur la preuve d’une malice ou d’une légèreté, pour ne rien dire de plus, de la part de M. Thierray. Sans aucun doute, les vers qu’il vient de réciter ne sont pas les seuls qu’il vous ait adressés ?

— Il ne m’a point adressé de vers, répondit Nathalie ; ce qui a été mis sous mes yeux n’est que de la prose ; mais elle est remarquable, ajouta-t-elle avec une expression de profonde ironie.

— Ma fille, reprit l’excellent Dutertre, peut-être attaches-tu trop d’importance à une lettre que M. Thierray t’aura écrite dans un mouvement de dépit contre ta sœur. Tu n’en veux pas tirer gloire, je le sais, car tu m’as souvent manifesté l’absence de tout penchant, même de toute bienveillance, pour M. Thierray. J’ai cru qu’il méritait mieux de ta part et de la mienne. Il m’a semblé voir que ta sœur et lui avaient une inclination prononcée l’un pour l’autre, inclination que j’ai encouragée en silence. Mais, s’il n’est pas digne de mon estime et de ma confiance, ton devoir est de m’éclairer. Moi seul dois être juge de ce qu’il y a de sérieux ou de frivole dans le caractère de ce jeune homme. Je te remercie donc, encore une fois, de ta réserve de tout à l’heure, mais je te prie de me remettre la lettre et de ne pas craindre que personne ici t’accuse jamais de l’avoir provoquée.

— En êtes-vous bien sûr, mon père ? dit Nathalie ; me connaissez-vous parfaitement ? vous a-t-on assez fait re-