Page:Sand - Mont-Reveche.djvu/249

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marquer tous mes défauts ? enfin, jureriez-vous sur votre honneur, en dépit des plus cruelles insinuations, que vous me savez incapable de faire à un homme la moindre avance, la moindre provocation ?

— Oui, ma fille, répondit Dutertre espérant la ramener au sentiment de la justice par de grandes marques d’estime ; je vous jure sur l’honneur, et je jurerais à la face du monde, que votre caractère sérieux et votre fierté excessive vous défendraient et vous interdiront toujours le système de coquetterie dont notre chère Éveline use quelquefois, sans en comprendre le péril et la gravité.

— Votre estime me suffit, mon père, dit Nathalie ; elle me consolera de tout, et je n’ai qu’à garder le silence du mépris et de la résignation.

— Pardon, Nathalie ! ma conclusion est différente. Je veux savoir si Thierray est digne de devenir mon gendre ; je vous demande sa lettre.

— Impossible, mon père !

— Il ne saura jamais que vous me l’avez communiquée ; je ne voudrais pas exposer ma fille à la vengeance d’un homme sans principes.

— J’en suis bien persuadée, mon père, dit Nathalie, qui, malgré son attitude défensive, écoutait avidement et semblait noter avec soin chaque engagement qu’elle arrachait à son père ; mais ma sœur ?…

— Votre sœur ne saura jamais que j’ai lu cette lettre, elle n’en connaîtra pas même l’existence. J’éloignerai Thierray sous tout autre prétexte, sans exposer deux sœurs à un de ces conflits d’amour-propre qui laissent toujours quelques nuages dans l’intimité.

— Et ma belle-mère ? dit Nathalie.

— Si vous désirez que ma femme reste étrangère à ce