Page:Sand - Mont-Reveche.djvu/253

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avait apporté dans son nécessaire à Mont-Revêche. Thierray avait serré précieusement ses propres vers dans le tiroir de son bureau, tout en mettant l’adresse de Nathalie sur la lettre très-confidentielle et assez compromettante où son ami lui disait son amour pour madame Dutertre. Si on se rappelle les expressions de cette lettre, elle pouvait se résumer ainsi pour Dutertre :

« Une fleur donnée mystérieusement et peut-être amoureusement à Flavien durant son sommeil a allumé en lui une curiosité ardente, une sorte de passion sensuelle et hardie. Olympe avait, soit par hasard, soit à dessein, une fleur semblable à son corsage. Son trouble étrange et maladroit a encouragé un jeune homme entreprenant à lui exprimer pendant huit jours des désirs dont la seule pensée fait frémir de rage un mari délicat, un amant passionné. Au moment où Flavien se décourageait devant une dernière apparence ou un dernier effort de vertu, un nouvel envoi mystérieux des mêmes fleurs est venu l’exalter au point qu’il a fui pour ne pas succomber. »

— Oui, le généreux Flavien, se disait Dutertre, daigne me laisser ma femme encore pure ; sans sa grandeur d’âme, encore un jour, et cette femme faible et imprudente fût tombée fascinée entre ses bras comme le passereau par le vautour.

Telle fut, grâce aux défaillances de la nature humaine quand l’amour domine le raisonnement, la première impression de Dutertre. Ce portrait de sa femme, cette définition, que Thierray trouvait vigoureuse dans sa naïveté un peu sauvage, des attraits, de la faiblesse et des séductions de la douceur, tout ce tableau d’une scène où il crut voir Olympe frissonnante et consternée dans les bras de Flavien, firent bouillonner et brûler le sang dans les veines du mari.