Page:Sand - Mont-Reveche.djvu/297

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interrompit Thierray, et les deux amis se regardèrent, écoutant et se demandant s’ils avaient rêvé.

— Ah çà ! est-ce encore la dame au loup qui fait de ses tours ? dit Flavien en se levant et en prenant un flambeau. On a appelé, c’est certain.

— Non, dit Thierray, c’est un cri de détresse, c’est un accident, et plus près de nous peut-être que cela ne semble. Ils sortirent du salon, et se dirigèrent vers les appartements inhabités qui prenaient jour sur la face extérieure du château, car il leur semblait que le bruit était venu de ce côté. Thierray, guidé peut-être par un vague instinct, quoiqu’il fût à cent lieues de pressentir la vérité, entra dans la chapelle, et vit devant lui un corps étendu sans mouvement sur le pavé.

— Bon ! un voleur qui s’est cassé la mâchoire en tombant de là-haut, dit-il mesurant de l’œil la distance du pavé à la fenêtre, qui était de neuf à dix pieds.

— Est-il mort ? dit Flavien avec la nonchalante tranquillité qu’il portait dans les faits de la vie active,

— C’est un enfant ! reprit Thierray s’approchant du jeune villageois, dont il ne voyait pas la figure tournée vers le mur.

Et, soulevant le large chapeau qui cachait cette figure, il jeta à son tour un cri perçant, en découvrant les blonds cheveux et le visage pâle d’Éveline évanouie. Ils l’emportèrent dans le salon où elle se ranima, regarda autour d’elle d’un air étonné, reconnut Thierray et sourit.

— Voyez, dit-elle, à quoi vous m’exposez ! je me suis fait mal ! encore une de vos bouderies cruelles, et je me tuerai !

En achevant ces mots, elle vit Flavien, qu’elle n’avait pas remarqué d’abord. De pâle qu’elle était, elle devint pourpre de honte et cacha son visage dans ses deux