Page:Sand - Mont-Reveche.djvu/298

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mains avec un effroi plein de pudeur qui attendrit Flavien, en lui faisant retrouver la femme timide dans l’héroïne entreprenante.

— Ne doutez pas de mon honneur, de ma discrétion, de mon intérêt, lui dit-il ; rassurez-vous, mademoiselle ; mais, pour Dieu ! dites-nous si vous êtes blessée.

Thierray ne pouvait parler ; suffoqué par l’effroi, la reconnaissance et le dépit qui se combattaient en lui, il ne savait s’il devait la maudire ou la remercier à genoux ; mais son angoisse la plus forte et la plus naturelle était la crainte qu’elle ne se fût blessée mortellement.

— Oui, oui, lui dit-il enfin en lui touchant les bras avec une anxiété qui écartait toute idée contraire au respect ; — vous devez avoir beaucoup de mal ; parlez, parlez. Que vous est-il arrivé ?

— Rien, en vérité, dit Éveline ; j’ai seulement le pied engourdi ; je ne suis pas tombée précisément ; j’ai sauté de plus haut que je ne croyais, et j’ai eu peur, voilà tout.

— Mais comment êtes-vous entrée ? Quelle est cette nouvelle folie ? dit Thierray, rassuré, mais non calmé.

— Ah ! vous me le demandez ? dit Éveline d’un ton de reproche déchirant.

Flavien vit qu’une explication entre eux devenait nécessaire, et, par discrétion, il se retira doucement ; mais Éveline le rappela.

— Monsieur de Saulges, lui dit-elle, puisque la Providence me fait vous rencontrer ici, rendez-moi un grand service : restez entre nous. Quelque fastidieuses que soient les querelles de deux fiancés parfaitement déraisonnables tous les deux, acceptez généreusement cette lâche. Vous êtes son ami, à lui ; soyez aussi le mien. Servez-moi de témoin, de juge, de conseil et d’avocat au besoin, je vous en prie.