Page:Sand - Mont-Reveche.djvu/340

La bibliothèque libre.
Cette page n’a pas encore été corrigée

dans sa poitrine, l’en retirer pleine de lambeaux ensanglantés de sa chemise. Elle fit un cri et s’élança vers lui pour le couvrir de larmes et de baisers, sans s’inquiéter s’il n’allait pas la tuer dans un accès de démence furieuse.

Il la repoussa avec indignation, croyant voir dans cet élan l’épouvante et la supplication d’une femme coupable. Olympe voulait lui parler, lui jurer qu’Éveline était innocente, que, dans tous les cas, Thierray était bien résolu à l’épouser. Devant cette rage et ce désespoir de son mari, elle ne songeait plus à garder le secret d’Éveline, mais à soulager l’infortuné père de famille de ses craintes pour l’avenir ou le passé.

Elle fit de vains efforts : la parole vint mourir sur ses lèvres. Elle était redevenue trop malade depuis quelques jours, elle avait trop souffert dans cette dernière journée pour surmonter tant d’émotion et de fatigue. Elle n’avait jamais vu son mari irrité contre elle. Il lui sembla que des tenailles lui comprimaient le gosier ; elle se débattit, fit entendre des sons inarticulés, et, ne pouvant pas même crier, elle tomba brisée sur un fauteuil.

— Remettez-vous, Olympe, dit Dutertre, qui, de son côté, ne parlait pas sans un violent effort, tant il éprouvait le besoin de rugir de douleur. Je ne vous ferai jamais ni menaces ni reproches. Tout ceci est la faute de ma confiance insensée, de mon optimisme aveugle. Je vous devais plus de surveillance et de protection. Que voulez-vous ! je vous croyais la force des anges ! je vous croyais plus qu’une femme ! Allons ! rassurez-vous, vous dis-je. Je n’oublierai pas les devoirs qui me lient envers vous. Je sauverai à tout prix l’honneur de ma famille et ferai respecter le vôtre, comptez-y ! Vous serez toujours ma femme et ma fille. Mais, oh ! mon Dieu, vous n’êtes plus