Page:Sand - Mont-Reveche.djvu/365

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regarderai à deux fois. Si j’allais tomber sur quelque Nathalie !

Qu’on juge de l’effroi de Dutertre quand il entra dans la chambre de sa femme et qu’il trouva Nathalie et Blondeau, veillant cette espèce de morte qui ne parlait plus et comprenait à peine. Malgré l’humble attitude de la coupable, qui vint à lui en suppliant, et qui s’efforçait de réparer par des soins tardifs le mal qu’elle avait causé, Dutertre ne put s’empêcher de lui dire :

— Ah ! ma fille, vous avez tué la plus noble des femmes ! et, si votre père ne vous maudit pas, c’est qu’il sait trop que le ciel s’en chargera !

Jamais Dutertre n’avait dit de telles paroles ; il n’avait jamais cru avoir à prononcer de tels arrêts dans sa famille. Nathalie en fut terrifiée et alla errer en gémissant dans le jardin. Elle revit la place où elle avait contemplé Flavien endormi. Elle comprenait que son père venait d’avoir une explication décisive qui bannissait pour jamais ce jeune homme de la famille. Elle voyait qu’en se vengeant de son indifférence, elle s’était pour jamais ôté à elle-même toute chance de lui plaire. Elle ignorait s’il ne l’avait pas devinée et s’il ne la maudissait pas. Elle pleura sa faute, forcée enfin d’en boire l’amertume et d’en subir les résultats.

— Oui, oui, se dit-elle, on se tue soi-même à lutter ainsi contre tous ! Blondeau a raison ; si on n’est pas née bonne, c’est-à-dire faible, crédule et tendre, il faut au moins, pour ne pas succomber sous le blâme de ces faibles, agir comme ils font, plier, pardonner ou épargner.

Elle prit donc d’aussi bonnes résolutions qu’elle était susceptible de les concevoir, et elle les tint avec la persistance de volonté qui était en elle. Mais il était