Page:Sand - Mont-Reveche.djvu/379

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un peu étroit, siège de l’obstination, de la sincérité et de la bonté.

— Parle-moi de toi, reprit-il.

— Oui, je le veux bien, dit Thierray ; mais, avant tout, comme je veux que tu voies aujourd’hui ma femme et ma fille, je vais écrire deux lignes et expédier Forget à Puy-Verdon. Nous resterons avec toi jusqu’au soir. Forget nous fera dîner ici tant bien que mal.

— Je désirerais, mon ami, que M. Dutertre ne sût pas officiellement mon arrivée. Mon nom seul doit lui rappeler des choses pénibles… bien pénibles pour lui… et pour moi aussi !

— Sois tranquille, dit Thierray écrivant. Je recommande à Éveline de ne pas dire un mot de toi, et Forget, tu le sais, a la passion du silence.

Quand le billet fut parti, quand Flavien eut été serrer la main insensible du vieux Gervais et gratter l’occiput du perroquet, quand il eut remercié son ami des soins dont les deux vieillards étaient l’objet, il rentra avec lui dans le salon, toujours propre et conservé sans altération, avec tousses colifichets et ses petites richesses du temps passé.

— Maintenant, causons, dit-il. Je suis venu ici pour te parier de choses importantes qui me concernent ; mais je te demande la permission de t’interroger auparavant… Es-tu heureux, Thierray, vraiment heureux dans ton ménage, en dépit du chagrin mortel qui, je le sais, a rempli la famille d’un deuil à peine éclairci au bout de deux années ?… Dis-moi bien la vérité ; j’y tiens essentiellement.

— J’entends, dit Thierray. Tu songes au mariage à ton tour, et tu veux savoir si l’homme le plus indépendant de la terre, le plus fantasque dans ses projets de bonheur, le plus éloigné du parti qu’il a pris en épousant, un peu mal-