Page:Sand - Mont-Reveche.djvu/65

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pauvres qui recherchent de riches héritières ne sont pas fort honnêtes, car ils les trompent en feignant d’aimer en elles autre chose que leur dot. Les jeunes gens riches sont insolents, ignorants, frivoles, sots…

— Quel pessimisme ? J’espère que c’est ta bile qui te fait voir ainsi le monde. Mais, s’il en est ainsi, sais-tu que ce n’est pas nous qui sommes difficiles à marier, mais le monde qui est difficile à épouser ?

— Il y a du vrai dans ta remarque. Mais ce qui est difficile n’est pas impossible. Seulement, il faut se trouver lancé en plein dans les conditions où l’esprit, la pénétration, le jugement, peuvent servir à quelque chose. Ainsi, que nous vivions dans le monde, à Paris, que nous voyagions en Angleterre, en Allemagne, en Italie, que nous menions la vie qu’il convient à notre situation dans la société, et, au milieu de tous les flots que nous aurons à traverser, notre œil saura bien découvrir, et notre main saura bien arrêter la perle fine qui nous convient, au milieu des coquillages vulgaires qui se prendront à nos filets.

— Ne te sers pas de cette métaphore, je t’en prie. La perle est toujours cachée dans une huître.

— Folle ! tu cherches toujours le mot et ne réfléchis à rien ! Nous sommes riches, nous sommes belles, nous sommes supérieures aux femmes du monde, et nous sommes peut-être destinées à attendre ici le limaçon dont le héron de la fable fut forcé de se contenter à l’heure du soir. Si cela continue, il nous restera à croquer le petit cousin entre nous trois.

— Oui, ce sera ce qu’on appelle croquer le marmot.

— Ah ! que tu m’irrites avec tes sottes plaisanteries ! Riras-tu de bien bon cœur quand mon père viendra nous dire : « Vous voilà trois ; voici mon neveu Amédée