Page:Sand - Mont-Reveche.djvu/76

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dès ce matin, un acte qu’il pourra garder dans ses archives, acte passé à M. Dutertre, lui donnant plein pouvoir de vendre à lui-même au prix qu’il jugera convenable la propriété qu’il a envie d’acheter.

— C’est fort galant, cela, dit Thierray en se frottant les yeux ; manières de parfait gentilhomme ! Savez-vous que vous êtes heureux, vous autres, quand vous êtes assez riches pour risquer de pareilles folies, de pouvoir le faire avec succès ? Si un pauvre poëte faisait cela, on dirait : « Il est fou ! il fait le grand seigneur, et il sacrifie à sa vanité son seul morceau de pain, fruit de ses veilles laborieuses ! » Si un petit bourgeois s’en avisait, on dirait : « C’est une finesse de gueuserie. Le bon juif sait bien à qui il a affaire, et qu’il tirera de cette flatterie le double de son enjeu ! » Mais, chez le comte Flavien de Saulges, c’est la simple courtoisie d’un homme qui sait vivre et qui ne tient pas, d’ailleurs, à la bagatelle de cent mille francs ! Voilà de ces déclarations que je ne pourrai jamais faire à une femme, moi !

— M. le comte a demandé ses chevaux, dit Gervais en entrant ; ils sont prêts.

— Mes chevaux ? dit Flavien en riant. Ce brave homme joue ici le rôle du Caleb de Ravenswood. J’ai demandé la patache et César, mon bon Gervais ! Nous verrons à Château-Chinon si nous pouvons trouver quelque carriole plus légère et quelque bête plus ingambe à acheter ou à louer pour le temps que nous devons passer ici.

— M. le comte croit que je plaisante, reprit Gervais. Il y a dans la cour deux beaux chevaux tout sellés, avec un groom sur un troisième cheval ; et, sous la remise, il y a une petite voiture de chasse qui est un vrai bijou. Si Monsieur veut voir…

Il ouvrit la fenêtre : Flavien et Thierray y coururent et