Page:Sand - Nanon, 1872.djvu/127

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— Je serai donc tourmenté toute ma vie ? disait-il. J’ai été mis au cachot par mes religieux pour n’avoir pas voulu jurer que je ferais faire des miracles à la vierge de la fontaine, afin d’empêcher les gens d’ici d’acheter nos biens. À présent, l’on veut que je_ _jure que je suis un homme sincère et ami de son pays. Je ne mérite pas cette humiliation et ne veux pas la subir.

— Vous auriez raison, lui dis-je, si le gouvernement allait bien et si tout le monde était juste ; mais on est devenu malheureux et cela rend soupçonneux. Si vous attirez de mauvais jugements sur vous, ceux qui vous aiment et qui vivent autour de vous en souffriront peut-être autant que vous. Pensez à ces deux pauvres enfants de nobles qui sont ici, avec leurs parents émigrés ; c’est du danger pour eux, n’y ajoutez pas, vous qui aimez tant Émilien, le danger qui tomberait sur vous.

— Si tu le prends comme cela, dit-il, je me rends. Et il se mit en règle.

Je savais bien qu’en lui parlant des autres, je le ferais renoncer à ses idées sur lui-même.

Nous pensions être tranquilles ; mais ce mois d’août fut terrible à Paris, et, le mois suivant, nous en connûmes toutes les conséquences, les fureurs de la Commune de Paris, le roi mis au Temple, le décret d’expropriation des émigrés de leurs biens, celui d’exil pour les prêtres non assermentés, les ordres de visites domiciliaires pour rechercher les armes et arrêter les suspects, etc.

De ce côté-là, nous autres paysans, nous n’avions rien à craindre ; nous avions fait notre révolution en 89. Nous avions pris toutes les armes du moutier, et,