Page:Sand - Nanon, 1872.djvu/145

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— Pour les rejoindre ?

— Je ne dis pas, je n’ai pas dit cela.

— Vous le niez ?

— Je vous prie de ne pas m’interroger davantage. Il vous suffit de connaître mes sentiments et la résolution que j’apporte ici. S’il dépend de vous de hâter mon incorporation dans un régiment qui soit mis tout de suite en campagne, je vous supplie de le faire.

— Malheureux enfant ! s’écria M. Costejoux, vous me trompez ! Vous vous jouez des plus nobles sentiments et vous abusez de ma folle confiance ! Vous voulez déserter et passer à l’ennemi. Tenez ! voici la preuve !

Et il lui mit sous les yeux une lettre signée _marquis de Franqueville, _qui était adressée à. M. Prémel et qui portait ceci en substance :

« Puisque mon fils Émilien veut venir me rejoindre et que sa fuite présente, vu le manque d’argent et les tyranniques soupçons des autorités, des difficultés trop considérables, conseillez-lui de s’engager comme volontaire de la République et de faire comme tant d’autres fils de bonne famille qui trouvent à l’armée le moyen de déserter. »

— C’est une infamie ! s’écria Émilien hors de lui ; jamais mon père ne m’a écrit cela !

— C’est pourtant son écriture, reprit M. Costejoux. Voyez ! Pouvez- vous me jurer sur l’honneur qu’elle est contrefaite ?

Émilien hésita, il avait si peu vu l’écriture de son père ! Il n’en avait aucun spécimen.

— Je ne puis, dit-il ; mais je jure sur ce qu’il y a de plus sacré que je n’ai jamais consenti à me déshonorer