Page:Sand - Nanon, 1872.djvu/163

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regarda pas, il monta l’escalier et je le suivis. Il me donna le flambeau qu’il tenait et une clef en me montrant une porte. Puis il me tourna le dos et redescendit sans bruit. Ah ! c’était bien la Terreur ! Je ne l’avais pas encore vue de si près, mon cœur se serra.

J’étais si lasse, que je m’en voulais de me sentir vaincue et comme incapable de veiller une minute de plus.

— Mon Dieu, me disais-je en tombant sur le lit, n’ai-je pas plus de force que cela ? J’ai cru que je pourrais faire l’impossible, et voilà que je succombe à la première fatigue !

Je m’endormis en me disant pour me consoler :

— Bah ! c’est comme cela au commencement ; je m’y habituerai.

Je dormis sans savoir où j’étais, et, quand je m’éveillai avec le jour, j’eus de la peine à me reconnaître. Ma première pensée fut de regarder mes pieds ; pas de blessure, pas d’enflure. Je les lavai et les chaussai avec soin ; je me souvenais d’avoir craint de n’être pas bonne marcheuse, un jour que mon cousin Jacques avait raillé la petitesse de mes pieds et de mes mains, disant que j’avais des pattes de cigale et non de femme. Je lui avais répondu :

— Les cigales ont de bonnes jambes et sautent mieux que tu ne marches.

La Mariotte avait dit :

— Elle a raison ; on peut être mal partagé comme elle, et marcher aussi bien qu’avec de beaux grands pieds ; l’important, c’est qu’ils soient bons.

J’avais donc de bons pieds, j’en étais con