Page:Sand - Nanon, 1872.djvu/211

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des peignes, douze serviettes. Je m’étais préoccupée de tout ce qui permet la propreté, n’ayant jamais redouté dans la misère que la nécessité de vivre salement. J’étais experte en ressources de ce genre, j’avais fait mon apprentissage de bonne heure chez mon grand-oncle, qui n’était exigeant que sur ce chapitre-là. Il ne voulait point que l’on se mît à table sans avoir la figure nette et les mains fraîchement lavées.

On s’occupa aussi d’une hutte bien solide pour l’âne. Il avait remplacé Rosette dans mes affections ; car, au milieu du drame de ma vie, j’étais restée bien enfant, ou plutôt je le redevenais au premier jour de répit. C’était un bon âne, très intelligent, très fort et même ardent au travail malgré sa petite taille et son air tranquille. Il était dressé comme un chien et je ne pouvais faire un pas qu’il ne fût à mes côtés, toujours prêt à jouer ou à accepter le service. Il nous fut bien utile pour porter le bois et la terre de nos constructions, car ce qu’il y avait de moins facile à nous procurer, c’était la terre grasse, et nous étions forcés de sortir des sables et des cailloux pour l’aller chercher assez loin dans les fossés.

Malgré toutes nos prévisions et nos provisions, il nous manquait encore bien des choses, mais nous avions l’essentiel pour le moment, et nous eûmes la chance de faire notre installation, qui dura huit jours, sans apercevoir une figure humaine.

Pareille chose serait bien impossible aujourd’hui, quoique ce pays soit encore très sauvage d’apparence, peu bâti, et médiocrement peuplé ; mais on a fait des chemins, on a défriché une grande partie des terres incultes, on a brisé beaucoup de rochers et il s’est créé