Page:Sand - Nanon, 1872.djvu/270

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leur donnait tort et que le plus grand nombre se tournait contre eux.

Peu à peu je fis le triage des paresseux vraiment pauvres, mais plus pauvres par leur faute. Je leur persuadai d’aller chercher le pâturage dans des endroits plus éloignés, plus difficiles, mais beaucoup mieux fournis que nos herbes épuisées par trop d’usage. Enfin, aux approches de l’hiver, ayant procuré quelque ouvrage et rendu quelques services, je me trouvai en droit de faire respecter la propriété qui m’était confiée, et j’en vins à peu près à bout.

M. Costejoux, à qui j’écrivis pour lui donner des nouvelles de notre jeune officier et pour lui dire que je veillais autant qu’il m’était possible à ses intérêts, me répondit qu’il était content de la belle conduite d’Émilien, et que, quant à lui, il était bien tranquille sur les soins que je donnerais à son avoir.

« Quelque pillage qu’il y ait eu, me disait-il, il ne peut pas dépasser celui qui règne à Franqueville et que je suis forcé d’endurer, puisque je n’y puis résider à poste fixe. Ce n’est pas ma vieille mère et ma _jeune pupille _qui peuvent s’y opposer. Il ne serait même pas prudent pour elles de le tenter, car voici le paysan qui, après avoir pillé par haine des nobles et des riches, recommence de plus belle pour les venger, dit-il, des crimes de la République. Je ne sais comment on pense à Valcreux ; je ne veux pas le savoir, je crains bien que partout la réaction royaliste ne se produise aveuglément et ne l’emporte sur les débris agonisants de la liberté, sur les ruines de l’honneur et de la patrie. »

M. Costejoux me chargeait de faire savoir à Émilien que sa sœur était en bonne santé et ne manquait