Page:Sand - Nanon, 1872.djvu/28

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m’occuper de tout, d’être bonne à tout dans la maison et d’avoir du cœur pour toute sorte d’ouvrages. Sans doute qu’on dit ça aux enfants des pauvres et qu’on dit autrement aux enfants riches.

— Non ! on dit cela aux enfants qui doivent entrer dans les couvents. Mais voilà l’heure de me rendre aux offices de la vêprée. Tu rappelleras ton mouton quand tu voudras, et, si tu veux le ramener demain…

— Oh ! je n’oserais !

— Tu peux le ramener, je parlerai à l’économe.

— Il fera votre volonté ?

— Il est très bon, il ne me refusera pas.

Le jeune homme me quitta et je le vis qui rentrait par les jardins, au son de la cloche. Je laissai encore un peu pâturer Rosette, et puis je la rappelai et la ramenai à la maison. Depuis ce jour-là, je me suis très bien souvenue de tout ce qui est survenu dans ma vie. Je ne fis d’abord pas de grandes réflexions sur mon entretien avec ce jeune moine. J’étais toute à l’idée riante que peut-être il m’obtiendrait un permis de pâturage de temps en temps pour Rosette. Je me serais contentée de peu. J’étais comme portée naturellement à la discrétion, mon oncle m’ayant donné en tout des exemples de politesse et de sobriété.

Je n’étais pas grande conteuse, mes cousins, très moqueurs, ne m’y encourageaient point ; mais, le permis de pâturage me trottant par la tête, je racontai ce soir-là à souper tout ce que je viens de raconter, et je le fis même assez exactement pour attirer l’attention de mon grand-oncle.

— Ah ! oui-dà ! fit-il, ce jeune monsieur qu’ils ont amené au couvent lundi soir et que personne n’avait