Page:Sand - Nanon, 1872.djvu/286

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autres, puisqu’ils vous ont supportés pour ne point nuire à la défense du pays. Ce qu’il faudrait connaître, ce qu’il faudrait entendre, voyez-vous, c’est ce qui se dit tout bas, et c’est là ce que vous ne savez jamais, puisque vous ne vivez qu’au milieu des déclamations ou des hurlements. Quand vous l’apprenez, il est trop tard. Aujourd’hui, voilà que les hurleurs et les malfaiteurs du parti ennemi prennent la place des vôtres, et le peuple triste et silencieux vous abandonne à leur colère. C’est alors que vous êtes forcés de compter les têtes et de voir que le grand nombre est contre vous, et cela vous étonne ! Vous dites que le peuple est lâche et ingrat. Eh bien, moi qui en suis, de ce pauvre peuple, moi qui vous aime et qui vous dois la vie d’Émilien, c’est-à-dire plus que la mienne, je vous dis : Vous vous êtes égaré dans une forêt où la nuit nous a surpris et où vous avez pris le sentier d’épines pour le grand chemin. Pour en sortir, il vous a fallu vous battre avec les loups et vous arrivez au jour, tout étonné de voir que vous avez reculé au lieu d’avancer, que vous avez marché avec les bêtes sauvages et que la foule des hommes s’est rangée de l’autre côté. À présent, les royalistes auront beau jeu ; plus méchants que vous, je ne dis pas non, ils ne feront pourtant pas pire que vous. Ils auront leurs flatteurs, leurs intrigants, leurs égorgeurs, leur vilain monde à part, qui les trompera comme vous avez été trompés : et, à leur tour, ils perdront la partie. Qui la gagnera ? Ce sera le premier venu, pourvu que la guerre civile finisse et que chacun puisse vivre chez lui sans craindre d’être dénoncé, emprisonné et guillotiné le lendemain. Et ce n’est pas parce que le monde est royaliste ou girondin,