Page:Sand - Nanon, 1872.djvu/294

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il reviendrait : nous ne savions pas s’il ne serait pas bientôt aux prises avec de nouvelles souffrances et de nouveaux dangers ; mais il nous voulait contents et fiers de son martyre ; nous nous efforcions d’oublier le chagrin pour ne sentir que la joie.

Aux approches du printemps, le prieur qui avait, grâce à nos soins, assez bien supporté ce rude hiver, se trouva tout à coup plus malade. Je ne le quittais presque plus, ce qui gênait bien ma surveillance et mes occupations ; mais j’étais décidée à tout perdre plutôt que de l’abandonner à lui-même. Sa maladie était de celles où le courage fait défaut. Il ne se sentait point souffrant, il mangeait bien et il aurait eu de la force s’il eût pu respirer. Cet étouffement lui causait une sorte de colère suivie de profonds découragements. Moi seule pouvais alors le consoler.

Un jour qu’il se sentait mieux, il m’engagea à prendre l’air et j’en profitai pour aller voir un autre malade, une pauvre femme à laquelle je m’intéressais aussi et qui demeurait assez loin. J’allai et revins vite ; mais les jours étaient encore courts. Partie à midi, je me trouvai en un bois à la nuit, et, comme les loups ne manquaient point, ce fut plaisir pour moi d ’entendre parler et marcher à peu de distance, sur un chemin qui traversait le bois par le milieu, tandis que je me dirigeais en biaisant vers la lisière. L’idée me vint de prendre le plus long et de suivre ces gens qui me rassuraient contre les mauvaises bêtes. Pourtant, ils n’étaient pas de chez nous, car ils allaient dans un autre sens, et, comme j’étais une trop grande fille pour faire ronde avec des étrangers, je les suivis sans faire