Page:Sand - Nanon, 1872.djvu/351

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— Et pourtant, lui dis-je, Louise aime votre fils, elle me l’avait confié, et, à présent, pour la justifier, je trahis son secret.

— Elle l’aimait, reprit-elle, oui, je l’ai cru aussi ; mais elle en rougit à présent, et bientôt, dans ce pays de prêtres où on l’emmène, elle s’en confessera comme d’un crime. Elle fera pénitence pour laver cette honte. Voilà comment son cœur nous remerciera de tant de bienfaits, de tendresses, d’hommages et de soins. Ah ! mon pauvre fils ! puisse-t-il guérir par le mépris !

Elle s’endormit en gémissant ; moi, je ne pus fermer l’œil. Je me demandais si, en effet, le mépris guérit de la passion : je ne savais ! Je n’avais pas d’expérience. Je n’avais jamais connu l’atroce nécessité de mépriser une personne aimée. L’âme d’un homme agité comme M. Costejoux était pour moi un mystère. Je voyais en lui de si puissantes contradictions ! je me rappelais les sévérités, je pourrais dire les rigueurs de sa conduite politique, et, en même temps, sa généreuse pitié pour les victimes ; sa haine contre les nobles et cet amour pour Louise étaient pour moi une inconséquence indéchiffrable.