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VI


Julia entra, en effet. Elle était mise avec une simplicité élégante ; mais sa taille était la seule beauté réelle qu’elle eût conservée ; à dix-neuf ans, elle était ravagée par la fatigue du vice ou des passions. Elle était presque laide, vue de près.

Je crois que cette découverte, si elle ne fit pas un secret plaisir à mademoiselle d’Estorade, lui causa au moins cette sorte de soulagement intérieur que les femmes seules pourraient définir si elles voulaient bien être franches, et qu’à la vue d’une rivale laide ou enlaidie, la plus austère éprouve encore, sans se l’avouer à elle-même.

La scène que nous avions préparée ne s’engagea pas absolument comme nous l’avions prévu. D’abord Julia nous regarda d’un air d’ironie triomphante. Elle salua Narcisse en l’appelant par son nom de baptême, et en lui disant qu’elle était fort surprise de le trouver là. Narcisse, qui ne manquait pas d’à-propos quand il n’était pas intimidé, lui répondit qu’il était bien plus étonné lui-même de l’y voir se présenter. C’était provoquer d’emblée la