Page:Sand - Narcisse, 1884.djvu/138

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Je vis bien que la principale préoccupation de mademoiselle d’Estorade était de savoir si Albany lui avait extorqué de l’argent comme un misérable, ou si, réellement, sentant la honte de sa situation, il avait restitué à Julia ce qu’il prétendait lui devoir.

Celle-ci, comme si elle eût deviné ce qui se passait dans l’esprit de sa rivale, hésita un moment à répondre ; mais le désir de l’offenser l’emporta sur celui de se venger d’Albany par un mensonge.

— Il m’a restitué une somme que j’avais dépensée pour lui, répondit-elle, et, quand je parle de misère, c’est pour l’avenir. C’est à cause du tort qu’il m’a fait en m’avilissant par ses mauvais traitements, au point que ma voix en a souffert, tout le monde l’a remarqué ; et, si je perdais ma voix, je pourrais bien lui reprocher d’être véritablement mon assassin. Mais, quand même je serais sans pain, ce n’est pas ici que j’en viendrais demander. Non, non, je suis trop fière pour ça ! Je sais très-bien que c’est d’ici qu’est parti le coup.

— Comment cela ? dit Narcisse.

— Je le dirai si mademoiselle d’Estorade l’exige.

— Mais certainement, reprit mademoiselle d’Estorade. J’attends que vous le disiez, et vous perdez le temps en paroles inutiles. Vous voyez, je suis en affaires, expliquez-vous.

— Expliquez-vous vous-même ! s’écria Julia prenant