Page:Sand - Narcisse, 1884.djvu/139

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d’instinct une pose de théâtre assez réussie. Qu’avez-vous fait d’Albany ? Où est-il ? Dans quel coin de votre vieux château est-il caché ? Prétendez-vous me faire croire que vous n’en savez rien, et que vous n’avez pas avec lui des rapports mystérieux ? Tenez ! votre Albany est un maladroit et un étourdi ! En me renvoyant, hier au soir, l’argent qu’il me devait, au moment de s’enfuir ou de se cacher comme un coupable, il a fait la bévue d’envelopper les billets de banque dans un bout de papier que voici. Regardez, regardez, messieurs ! Il ne reste qu’une phrase à la fin d’une lettre, mais elle est claire : « Je bénirai vos bonnes résolutions. » Et la signature : Juliette d’Estorade ! en toutes lettres ! hein ? Il a cru se servir d’une page blanche ; mais il y a un Dieu pour éclairer les femmes jalouses et pour perdre les hypocrites !

— Pourquoi diable, s’écria Narcisse en s’adressant avec humeur à mademoiselle d’Estorade, signez-vous vos œuvres de charité ?

— Parce que je suis une hypocrite, répondit-elle en souriant. Je signe tout et toujours, m’enlevant ainsi l’occasion de pouvoir jamais nier une ligne de mon écriture.

— Ainsi, vous en convenez ? s’écria Julia exaspérée ; c’est bien vous qui lui avez fourni cet argent-là ; c’est bien vous qui lui avez conseillé de me quitter ; c’est bien vous qui me l’enlevez ?