Page:Sand - Narcisse, 1884.djvu/145

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ses yeux, comme aux vôtres, je suis pire qu’un chien. Eh bien, si j’en suis là, que personne ne s’inquiète de moi. Peut-être que Dieu, qui ne méprise personne, aura pitié de moi, un jour ou l’autre.

— Vous avez raison, Julia, répondit mademoiselle d’Estorade, qui était arrivée au bas de l’escalier, et vous me rappelez à mon devoir, que j’oubliais. Je suis une sœur de charité, moi, on vous l’a dit, et c’est mon ambition. Il ne m’est donc pas permis de tenir personne à distance de moi. Montez dans ma voiture.

Et, sans tenir compte de la résistance de Julia, ni de l’opposition de Narcisse, elle fit asseoir auprès d’elle cette fille perdue, ordonna au cocher de partir, et nous dit, en s’éloignant, une parole qu’elle n’avait pas cru devoir nous dire le matin :

— Au revoir !

— Au revoir, où et quand ? me dit Narcisse en reprenant avec moi le sentier qui conduisait à la Folie-Pardoux. Et puis, emmener cette fille à côté d’elle ! Ah ! ces dévotes, ça ne sait vraiment pas se gouverner !

— C’est ici tant mieux ! lui répondis-je. Ce généreux cœur n’est gouverné que par l’idée du devoir et le sentiment de la pitié. Elle a donc pu, dans ses relations avec Albany, ne pas subir d’autre entraînement moral.

— Ah ! oui, certes, elle est charitable, reprit Narcisse ; mais, dans ces choses-là entre une femme et un homme,