Page:Sand - Narcisse, 1884.djvu/157

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moiselle Julia, qui se promenait au bord de la Gouvre, et, comme j’étais un peu curieux de savoir si mademoiselle d’Estorade avait déjà réussi à en faire une Madeleine repentante, je fis semblant d’y mordre, et je lui causai de manière à regagner sa confiance.

» Je trouvai une fille qui, quoi qu’elle fît, ne pouvait pas venir à bout d’avoir le sens commun. Elle disait oui et non, pour et contre, ciel et enfer, non pas seulement dans la même heure, mais dans la même réponse aux questions que je lui faisais.

» Je vis bien que mademoiselle d’Estorade perdait son temps et sa peine à la vouloir convertir. Pourtant, cette fille paraissait bien l’aimer, et je crois encore qu’elle l’aimait tout de bon. Elle lui savait gré de deux choses : l’une qui était d’avoir conseillé à Albany de l’épouser si elle s’amendait, l’autre qui était de l’avoir prise dans sa voiture le jour que vous savez, et de lui avoir parlé avec douceur et honnêteté tout le long du chemin. Les femmes perdues ont beau dire qu’elles se moquent de tout, je crois que la chose qui leur est toujours sensible, c’est le mépris que font d’elles les femmes honnêtes ; et, comme mademoiselle d’Estorade avait montré à celle-ci des égards, elle avait soif de s’en faire considérer, et même elle eût donné je ne sais quoi pour être son amie.

» Voilà pour moi tout le secret de la fantaisie de couvent qui était tombée dans la tête de cette Julia. Mais son