Page:Sand - Narcisse, 1884.djvu/165

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versa encore plus. Je n’osais pas l’interroger, je ne lui répondais rien ; j’avais envie de m’arracher les cheveux, de me mettre en colère et de pleurer. Elle vit que je devinais tout ; elle appela la petite, la mit sur mes genoux, et lui dit de m’embrasser.

» Ma foi, je n’y tins pas. Je me mis à pleurer comme un imbécile, et mademoiselle d’Estorade, pensant qu’elle me gênait, sortit tout doucement de la chambre.

» Je demandai à l’enfant si elle connaissait son père et sa mère. Elle me répondit que son père était le bon Dieu du ciel, et sa mère sainte Sylvie, sa patronne, qui est au ciel aussi.

» Ce nom de Sylvie qu’on lui avait donné me fit encore réfléchir. Je lui demandai si le portrait de sa patronne n’était pas quelque part dans la maison. Je l’y avais vu autrefois.

» — Oui, me répondit-elle. Il y est toujours, dans l’oratoire de la demoiselle. Voulez-vous venir le voir ?

» Je n’avais pas besoin de le voir. Je l’avais déjà vu. C’était une image pas bien belle, mais qui, par hasard, avait une ressemblance étonnante… Je me souvenais du temps où Juliette l’avait achetée à un colporteur, en disant à mes sœurs et à moi :

» — À cause de cette ressemblance-là, je vais la faire encadrer et je la garderai.

» Elle l’avait fait. Nous l’avions souvent revue, et