Page:Sand - Narcisse, 1884.djvu/193

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n’importe, je veux qu’elle ait l’âme en paix, et j’assurerai si bien mon avoir à notre petite, que Juliette pourra refaire son testament à son idée, et donner tout aux hospices, si c’est son plaisir.

— Ainsi, lui répondis-je, voilà deux existences sacrifiées pour que celle de cet enfant soit assurée ? C’est pousser trop loin le dévouement, permettez-moi de vous le dire. Sylvie peut être très-bien élevée, très-riche et très-protégée, sans que deux personnes de mérite, et encore très-jeunes, renoncent aux joies et aux devoirs de la famille. Quant à Juliette, si c’est un besoin d’enthousiasme, une secrète manie qui la possède, nous n’y pouvons rien. Mais, quant à vous…

— Moi, moi !… j’ai aussi ma manie et peut-être mon enthousiasme… Qu’en savez-vous ? Qu’en sais-je moi-même ? L’idée du mariage me répugne ; ne m’en parlez plus.

Je jugeai bien inutile de chercher à lui faire avouer sa passion pour mademoiselle d’Estorade. Il s’en fût défendu comme de coutume, et je voyais, dès lors, assez clair au fond de son cœur pour n’avoir pas besoin de le confesser.

Je résolus de faire enfin une tentative auprès de Juliette. Elle me paraissait devoir à un amour si fidèle et si résigné le sacrifice de ses instincts ascétiques ; car, pour le coup, le mot du docteur était juste. Il sem-