Page:Sand - Narcisse, 1884.djvu/195

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— N’a pas pu se réaliser. Je vous jure que ce n’est pas ma faute, que j’estime cet homme et que je l’aime comme mon frère ; que je me suis dit tout ce que vous pourriez me dire, et que, puisque je ne me suis pas reconnue assez sainte ou assez forte pour être religieuse, je regardais comme un devoir de me marier. Ne croyez pas que je me fasse d’illusions sur mon genre de vie : il est égoïste. J’ai beau paraître me sacrifier aux bonnes œuvres, je ne fais là qu’une chose facile, à laquelle mon activité naturelle et mon goût pour la liberté d’action trouvent leur compte. Secondée comme je le suis, à présent que j’ai organisé les secours et les soins à donner aux malades et aux pauvres, tranquille sur ma maison d’éducation, qui est en bonnes mains et marche d’elle-même, j’aurais, certes, le temps d’être mère de famille, sans négliger mes autres devoirs, qui se bornent à une surveillance générale.

— À merveille ! voilà des raisonnements fort justes, et vous avez le droit d’être heureuse pour votre compte !

— Heureuse ? Cela m’est égal. Je n’ai jamais prétendu au bonheur, moi ! De quel droit ? Mais je reconnais que Narcisse est une si excellente créature, qu’il a ce droit-là. Eh bien, il y renonce, parce qu’il ne peut aimer que moi : il se condamne à la solitude plutôt que de tromper une femme. Oui, oui, je sais qu’il veut rester garçon. Hortense me l’a dit, comme elle vous l’a dit. Elle m’en-