Page:Sand - Narcisse, 1884.djvu/214

La bibliothèque libre.
Cette page a été validée par deux contributeurs.

champ à l’hôtel où Albany était descendu. Je l’y trouvai, déjeunant seul dans sa chambre. Il s’était véritablement rangé ; il ne se montrait plus à toute heure dans les villes de province, et tenait à distance les flâneurs, avec lesquels il avait autrefois beaucoup trop frayé. Il n’entrait plus dans les cafés et ne jouait plus au billard. Il ne lorgnait plus les dames et n’embrassait plus les grisettes. C’était un tout autre homme. Il n’avait encore fait, à la Faille, qu’une visite, et c’était au docteur Fourchois, pour lui porter un petit présent et le remercier de ses soins. Il parlait déjà en homme établi qui a une fortune, une mission, un rang à occuper dans la société.

— Je pense, lui dis-je en souriant, que vous avez fait confidence au docteur de votre nouvelle position ?

— Non, monsieur, répondit-il ; je n’ai pas encore de position matrimoniale. Tant que je n’y serai pas autorisé par mademoiselle d’Estorade, je ne ferai part à personne d’un projet dont elle peut empêcher l’exécution.

— C’est pousser trop loin la déférence, repris-je d’un ton sérieux. Mademoiselle d’Estorade en a été surprise. Elle ne se savait pas votre amie à ce point-là. Vous pensez bien que je n’aurais jamais osé lui dire l’étrange interprétation que vous avez donnée à ses lettres. Elle doit l’ignorer ; elle en serait peut-être offensée, et votre intention n’est pas de la remercier par une impertinence de l’intérêt qu’elle vous a témoigné.