Page:Sand - Narcisse, 1884.djvu/215

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— Ainsi, vous ne lui avez pas dit ma pensée ? s’écria Albany. Eh bien, vous avez eu tort. Elle ne doit pas ignorer que mon dévouement ne reculerait devant aucun sacrifice.

— Je le lui ai dit ; elle le sait ; mais je vous répète qu’elle s’en étonne. Elle se demande pourquoi vous supposez qu’elle puisse faire une objection à l’événement heureux qui vous arrive.

Albany me regarda avec un immense étonnement, puis avec méfiance.

— J’aurais dû, reprit-il, lui dire tout à elle-même. Le docteur m’a appris, ce matin, qu’elle n’était plus cloîtrée, qu’elle sortait, qu’elle recevait du monde, enfin qu’elle s’était complétement affranchie de la règle monastique. Elle n’a donc plus de raisons pour ne pas me recevoir, s’il est vrai qu’elle ne craigne aucune émotion pour elle-même de cette entrevue.

Je compris alors que la résolution prise par Juliette de ne plus voir Albany, et signifiée à lui par elle-même dans plusieurs lettres, avait été, aux yeux de celui-ci, comme un aveu de sa peur et de sa faiblesse. Je me hâtai donc de lui dire qu’il avait raison de vouloir s’expliquer de ses projets avec mademoiselle d’Estorade en personne, et que je l’invitais à venir dîner chez moi, où il la verrait le soir même. Il fut très-étonné, puis très-content, puis il me parut un peu blessé de voir les choses